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La vie quotidienne d'une famille thailsacienne
2 octobre 2008

2 Octobre - Les Lahus et la Lune

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Lors de l'un de nos voyages chez les montagnards, RAPPEL ICI, nous avons eu la chance d'assister à une cérémonie traditionnelle Lahu qui se tient tous les 14 jours environ, à chaque pleine lune et à chaque nouvelle lune.

Les hommes ont l'habitude de partir chasser plusieurs jours, parfois loin du village, et leur vie est rythmée par la Lune. Lorsque la nouvelle Lune ou la pleine Lune approche, ils savent qu'ils doivent revenir au village pour une journée de repos.

Les femmes préparent à cette occasion une fête qui commence dès le matin et à laquelle prend part tous les habitants du village ainsi que les éventuels voyageurs de passage. Tout le monde revêt ses habits de cérémonie (nous en possédons également un jeu qui nous a été remis en cadeau) et les festivités commencent devant le temple du village.

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La cérémonie est présidée par les trois personnages les plus importants de la société Lahu traditionnelle, à savoir le Maître des esprits, le Maître des vivants et le Maître des sciences et techniques (ces trois personnages et leurs rôles respectifs avaient été présentés dans mon premier récit de nos aides aux écoles de montagnards).

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Tout le monde se réunit ensuite à l'intérieur du temple pour une série de danses traditionnelles et les festivités se poursuivent en soirée autour d'un repas.

Nous allons bientôt retourner rendre visite à nos amis montagnards et j'ai commencé la traduction d'un ouvrage écrit par Pimook qui raconte sa vie quotidienne depuis plus de 10 ans au milieu des minorité ethniques. Certains passages montrent qu'il existe une profonde différence culturelle même entre les "Thaïs des plaines" et les "Thaïs des montagnes".

Voici un premier extrait, justement consacré à la Lune. Je rappelle que c'est Pimook qui témoigne de son expérience personnelle en tant qu'enseignant et directeur d'école :

Qu’est-ce que la Lune ? - Une croyance Lahu

La Lune est l’astre le plus proche de la Terre et tourne en orbite autour de celle-ci. Depuis la nuit des temps, les hommes ont toujours été particulièrement intéressés par la Lune.

Une particularité de la Lune est qu’elle peut très facilement être observée à l’œil nu. Pendant les nuits de pleine lune, sa luminosité et sa taille sont telles qu’elle est nettement plus grande que les étoiles et illumine la surface de la Terre. La taille et la luminosité de la Lune diminuent ensuite nuit après nuit, jusqu’à ce que la lumière soit remplacée par l’obscurité complète. La Lune réapparaît ensuite graduellement jusqu’à redevenir un disque plein. Les êtres humains ont su très tôt tirer avantage de la régularité de ce phénomène, à savoir la durée approximative de 30 jours du cycle lunaire, pour créer un calendrier.

Le jour de la pleine lune, en observant attentivement l’astre, on peut constater la présence de zones d’ombre sur la surface de la Lune. Les gens des différentes cultures et des différentes sociétés ont des croyances différentes au sujet de cet astre. Voici sa perception par les Lahu rouges.

En 1994, je me trouvais dans une communauté tribale reculée de la province de Mae Hong Song. Ses membres avaient très peu de contact avec la civilisation et la technologie et étaient restés relativement naïfs. Une nuit de pleine lune, après la classe, un groupe d’enfants Lahu rouges est venu jouer avec moi. La Lune brillait magnifiquement et donnait à la soirée une atmosphère particulière. J’ai alors commencé à leur apprendre une chanson ayant pour thème la Lune. Cette chanson fait partie du programme scolaire primaire et ressemble à peu près à cela (ce qui suit est une traduction, la version originale est en thaï) :

En regardant dans le ciel,

La Lune lumineuse je peux voir,

En regardant dans le ciel,

Un lapin je peux clairement voir,

C’est ce que raconte l’histoire,

Mais est-ce vrai, dis-moi,

Sur cette Lune magnifique,

Y a-t-il vraiment un lapin, dis-moi ?

Dès que j’avais fini la chanson, l’un des enfants qui comprenait le thaï mieux que les autres s’approcha de moi et me dis :

« Monsieur, il n’y a pas de lapin sur la Lune, ma maman m’a dit qu’il y a un mae ku jae là haut !

- Qu’est-ce qu’un mae ku jae ? » lui demandais-je.

Mais aucun des enfants présents n’était capable de me faire comprendre de quoi il s’agissait. Ils ont juste réussi à m’expliquer qu’il y avait un mae ku jae dans la forêt, pas loin de l’école.

Le lendemain matin, j’ai demandé aux enfants de m’emmener dans la forêt pour me montrer ce qu’était réellement un mae ku jae. Nous avons marché pendant assez longtemps, j’étais en sueur et commençais à fatiguer, lorsque tout à coup ils ont finalement fièrement pointé leur doigt vers ce fameux mae ku jae. Il s’agissait en réalité d’un arbre que les Shans (un autre groupe de montagnards) appelait le « mai hung » et qui est plus connu sous le nom de banian, ou figuier d’Inde.

Les anciens du village m’ont expliqué que les ancêtres des Lahu rouges croyaient qu’un banian géant ainsi qu’un puits magique se trouvaient sur la Lune. Quiconque en boirait l’eau deviendrait immortel. Les seuls animaux qui peuvent réussir à boire l’eau du puits magique étaient les aigles et les faucons, car ils pouvaient voler assez haut pour franchir la voûte céleste et atteindre ainsi la lune (mais ils ont compris maintenant que les êtres humains avaient construit des avions qui pouvaient voler beaucoup plus haut et plus vite).

J’étais tellement épuisé de ma course dans la forêt à la recherche du mae ku jae, que j’ai eu de la fièvre en rentrant au village. J’ai pris deux comprimés de paracétamol et me suis assoupi dans le logement des instituteurs. En me réveillant dans la nuit, j’ai observé la Lune qui était toujours aussi claire. Je me disais « si seulement je pouvais boire de cette eau du puits magique qui se trouvait sur la Lune !! ». Mais tout ce que je réussissais à y voir était le lapin de la chanson.

Je repense toujours à ce jour où un groupe de joyeux enfants courait devant moi pour me montrer un banian. Depuis, à force de partager la vie des Lahu rouges, en ayant adopté leur alimentation à base de sel, de piment et de légumes et après avoir longuement étudié leur intéressante culture, le lapin a finalement laissé place à un banian.

Et vous, avez-vous essayé d’observer attentivement notre astre pendant une nuit de pleine lune ? Que vous inspirent les ombres qui se trouvent à sa surface ?

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